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LETTRISME : commentaires d'oeuvres
27 février 2009

Isidore Isou, "Oeuvre infinitésimale ou esthapéïriste", 1956-1987

Châssis entoilé vierge. Collection privée.

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Pour commenter cette oeuvre emblématique d'Isidore Isou, il est bon de rappeler ce qu'est l'Art infinitésimal :


En 1956, dans le numéro 7 de la revue Front de Jeunesse, Isou publie son manifeste Introduction à l'Esthétique Imaginaire. L'Esthétique imaginaire, ou l'Art imaginaire, est l'autre nom de l'Art infinitésimal, dénommé aussi « esthapéïrisme » (de Esthétique et du grec Apéiros, innombrable).

Le nom d'infinitésimal vient du fait qu'Isou s'inspire initialement des mathématiques, plus particulièrement du calcul infinitésimal de Liebniz et Newton. Au sein de cette discipline scientifique, on intègre, au-delà des nombres concrets, les quantités intangibles, impondérables, n'existant que grâce à la réflexion théorique. Par analogie, en l'appliquant à l'art, Isou cherche à dépasser la lettre et le signe, formes concrètes.

L'Art infinitésimal repose donc sur des données esthétiques virtuelles, intangibles, purement conceptuelles. Il est demandé aux spectateurs, pour percevoir ces données, d'effectuer des élaborations mentales.

Pour mener à bien cette expérience esthétique, l'artiste met à disposition des éléments concrets, considérés au-delà de leur signification immédiate, comme autant de stimulus induisant une activité cérébrale apte à « façonner » des beautés imaginaires, insaisissables. Le support concret (objet, image, dispositif...) perd donc sa valeur initiale, directe, et devient transcendant, tel un tremplin pour atteindre une dimension inconnue, source d'émotions subtiles et indicibles, pour peu qu'on s'en donne la peine.

Ainsi, avec des moyens parfois restreints, indifférents en soi, l'artiste esthapéïriste propose au public de créer ses propres formes esthétiques, perpétuellement changeantes, unique à chacun, sans cesse projetées dans la dimension imaginaire.


L'oeuvre ci-dessus surprend par sa simplicité et son dépouillement : il s'agit d'une simple toile sur châssis, vierge à l'exception des mentions du titre, de la date et de la signature de l'auteur, peints au bas de la toile. Oeuvre infinitésimale ou esthapéïriste est, en cela, un exemple-type, le manifeste appliqué de l'Art infinitésimal.

Les spectateurs sont invités à projeter mentalement sur cette surface vide toutes leurs élaborations esthétiques, comme autant de formes mouvantes et immatérielles. Elle offrait ainsi la possibilité de percevoir, au-delà des cinq sens habituels, par le seul biais de la pensée, des beautés inconcevables que chacun est libre d'imaginer, de conceptualiser.

Dans le cadre cette oeuvre, et à l'instar de toute oeuvre infinitésimale, Isou cherche à provoquer une plus grande implication du spectateur qui doit fournir un effort supplémentaire de perception en sollicitant directement son intellect et sa sensibilité, dont la seule « béquille visuelle » est une surface blanche. Ici, Isou met en oeuvre l'absence, et c'est à partir de cette absence que le spectateur effectue son voyage mental.


Ainsi, grâce à une simple toile blanche, vide de toute intervention concrète, l'esprit humain acquière une dimension démiurgique car de ce Néant, il crée des univers intangibles dont il est le seul maître, qu'il peut façonner et refaçonner à sa guise. Cette force en fait l'un des chefs d'oeuvre de l'Esthétique Imaginaire.


Damien Dion, le 27 février 2009.


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